jeudi 19 mars 2020

#J3#RESTEZCHEZVOUS BILLET D'HUMEUR A MES LECTEURS-TRICES

Lucie est morte. Lucie est morte seule. Sa mère et sa sœur venues du Portugal n’ont pu lui dire un dernier au revoir. Pas de visite en soins palliatifs lorsque le virus rode, tapi dans un coin.  Lucie avait fui avec sa famille la dictature du Général Salazar … Lucie était une battante, une guerrière mais depuis quelques jours, elle avait choisi de déposer les armes. Nous avons partagé ensemble de nombreux fou-rires et quelques délires en salle de sport ou en boîte de nuit mais également au sein du cabinet de radiologie qui nous employait. Avec le départ de Lucie, et avec celui de Françoise, Josette, et de trois médecins, c’est un peu de ma vie d’avant qui s’enroule un peu plus dans l’obscurité. Putain de maladie…
Hier, pendant qu’une amie m’apprenait le décès de Lucie, ma mémoire rembobinait les souvenirs de ce temps d’avant.

Avant-Après. Et cet entre-deux où je prends le temps de me poser et d’écouter cette petite voix intérieure. Parenthèse dans ma vie professionnelle où depuis le début de cette drôle d’année, je confiais à un collègue en avoir assez de faire tourner la roue de carrier ... Faire le point sur les essentiels. Les priorités à donner. Dire au revoir à la petite fille qui parfois se réveille en moi et qui parfois m’oblige à rester polie. Je sais dire non, là j’ai dit stop…


Stop : j’aimerai que les gens comprennent enfin que pour l’heure notre priorité est la solidarité face à cette « guerre » contre la maladie. Cette bactérie invisible qui révolutionne notre mode de vie, de pensées. Je pense à ma grand-mère qui répétait parfois en boucle : « Qu’il nous faudrait une bonne guerre ».  Mamie avait connu celle qui devait être « la der des ders », et pleuré un frère mort dans les tranchées. Quelques années plus tard, elle se trouvait sur les routes : l’exode sous les bombes avec 4 enfants perchés sur une charrette… Heureusement, en chemin, elle avait trouvé un hébergement dans la Vienne et des amis pour la vie. Solidaire, solidarité, nous montrer solide devant l’indicible.

Un gros mot pour certains : cette guerre fait ressortir des comportements de mercantis. Un pharmacien qui vend des masques 10€ l’unité, un tabac qui fait commerce des attestations de déplacement dérogatoire … Dérogatoire, là aussi. Il faudrait sans doute faire des leçons de vocabulaire.
Groupés, entassés dans des voitures ou des wagons de la SNCF, les parisiens ont fui Paris.  Ce sont de véritables bombes à retardement. Je ne savais pas que le confinement s’apparentait à des vacances. La capacité de l’île de Ré se voit saturer et le préfet du Morbihan interdit toute location dans les îles.

Dans cet entre-deux,  je ne suis sortie que pour prendre mon courrier. J’ai croisé une voisine et je me suis assurée de la bonne santé d’une autre. Elles sont âgées. Nous avons pris l’ascenseur ensemble. Elle maintenait devant sa bouche son foulard, moi j’avais un gant en latex et du sopalin dans les mains.  Protections dérisoires pour faire rempart face à l’ennemi  invisible. Tout va bien, elles avaient toutes deux de quoi s’alimenter et bien entourée par les appels de leurs enfants.
Je crois que je n’ai jamais autant pris contact par téléphone avec ma famille et mes amis, j’avoue que l’application WhatsApp me divertit.
Puissions retenir une leçon de cet entre deux et ne pas mettre toute cette poussière sous le tapis une fois l’épisode terminé.
J’ai beaucoup aimé entendre Cynthia Fleury (psychanalyste et philosophe) dans l’émission  Boomerang sur France Inter. Au micro d’Augustin Trapenard, elle s’exprimait sur le processus de l’oubli : « Pour être au présent, il y a une forme positive d’oubli parce que sinon, cela s’appelle la rumination, l’obsession. Il est important d’oublier, il est important que l’oubli ne soit pas lui-même le lieu d’une répétition. Il faut  qu’il  y ait eu création et  apprentissage d’une leçon… C’est très dur d’apprendre une leçon…».
Mais promis, les jours prochains, je vais essayer d’être plus légère. Pourquoi ne pas vous donner la recette de mon « banana bred » et de vous parler de mes recettes tirées du placard ? !

En ce jour J3 une petite lumière brille pour Lucie…et pour ceux que je ne connais pas…

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