lundi 27 avril 2020

#J42 #RESTEZCHEZVOUS


L’écriture revient peu à peu au quotidien, mais les mots posés sur le papier ne swinguent pas encore comme je le souhaite. Alors comme en cuisine, il faut laisser reposer pour entendre la pâte chanter.
Mes personnages pour l’heure ont une voix de fausset. Il n’y a pas d’urgence. Je mesure ma chance d’avoir signé mon contrat pour le livre à paraître l’an prochain. J’ai quelques heures d’avance c’est bien et encore du temps libre au-delà du 11 mai. Le roman pour 2022 peut se faire désirer au bout de mon crayon, encore un peu.
L’écriture est ma boussole mais j’ai une amie la lecture qui m’aide également à garder le cap. Je me nourris de mots, je dévore et j’ai la chance de découvrir de jolies pépites.
Aujourd’hui, je partage un trésor : « Le Baiser » de Sophie Brocas avec pour fond sonore la musique des mots de François Morel …
"Le baiser vous souvenez vous
Que vous m'aviez un jour donné ?
J'aimerais pouvoir entre nous
Ce soir vous le restituer
J'avais gardé par devers moi
Ce souvenir ce doux trésor
Ce présent ce cadeau de roi
Plus précieux qu'un bijou en or "
« Le baiser » est une œuvre de Constantin Brancusi. Cette sculpture funéraire se trouve dans la division 22 du cimetière Montparnasse :
« C'était un bloc carré, trois fois plus haut que large, un bloc de calcaire gris un peu grossier parsemé d'éclats noirs. Les amants y étaient pris entiers. Nus, enlacés étroitement. Fondus l'un dans l'autre. Deux amants assis, face à face, leurs bras encerclant tendrement l'autre, sans pression, sans excès. Pieds à plat, cuisses repliées, jambes de l'homme enserrées avec douceur, imbriquées avec naturel entre celles de la femme. Quelques détails, à peine suggérés : une chevelure longue séparée en bandeaux dévalant le dos de la femme, le haut relief des bras, le doux rebondi du sein. Ils sont là, front contre front, regard contre regard, nez contre nez, lèvres à lèvres. C'est un baiser immense. Un amour absolu. Un acte sexuel intense et innocent à la fois. Évident. »
Ce Baiser veille sur le repos de l’âme d’une jeune exilée russe qui s’est suicidée le 12 décembre 1910. Elle s’appelait Tania, Tania Rachewskaia. On peut néanmoins mettre un visage sur son patronyme grâce à un médaillon émaillé.
Indocile mais fragile Tania que l’on a retrouvée, le corps tournoyant au bout d’une corde.
Les œuvres de Brancusi s’arrachent à prix d’or sur le marché de l’art... En 2005, sous les recommandations d’un marchand d’art, les héritiers de Tania se sont manifestés afin de récupérer à leur compte, les deux amoureux de pierre.
Ce même couple fusionnel, qui, depuis un siècle, s’embrassaient à l’air libre sous le regard des passants honnêtes.
Ces ayants droits qui ont déjà perdu toutes les procédures judiciaires ne sont pas décidés à abandonner la partie de bras de fer qui s’est engagée entre eux et l’Etat Français…
Depuis, les sculptures sont enfermées dans un caisson de bois relié à une alarme et surveillé par trois caméras …J’espère que ce baiser sera définitivement protégé par un classement aux monuments historiques…
Le livre de Sophie Brocas est une œuvre imaginaire. Au travers d’un journal (fictif) de Tania, l’autrice déroule le fil d’une histoire, celle d’une jeune fille émigrée russe, épris de liberté dans le Paris de la Belle Epoque.
Tania souhaite déchirer la fourrure, délasser le corset dans lesquels « son » monde l’a tient étroitement captive.
Celle qui a pour parent Tolstoï, souhaite regarder la liberté dans les yeux et s’affranchir des codes qui imposent les mariages comme des marchandages :
« Oui, j'ai une peau de femme, mais à l'intérieur je veux être comme un homme ! Un homme ! Un homme ! Je veux être libre comme un homme, aller où bon me semble comme un homme, apprendre comme un homme, travailler comme un homme. Vous ne me réduirez pas à une femme que l'on vend. Jamais ! »
Dans le Paris de ce XXIème siècle, Camille est une brillante avocate mais qui manque terriblement de confiance en elle. Dans un quotidien morne où l’improvisation n’a pas sa place, elle va se découvrir une âme de justicière : « Si nous pouvons démontrer que Brancusi voulait sceller Le Baiser sur la tombe, nous pourrons imposer que l'œuvre y reste au nom du droit moral de l'artiste »…
Tania, au-delà de sa légende personnelle va transcender Camille et la révéler à elle-même. Deux femmes, deux époques mais terriblement complémentaires.
Le fil conducteur de ce livre est l’œuvre de Brancusi. L’artiste mais également l’homme avec ses forces et ses faiblesses. On le frôle dans son atelier, on l’accompagne avec ses amis du Montparnos. Le sculpteur aux allures de bucheron ne souhaite pas s’attacher à sa muse ni par les liens du mariage ni en laissant derrière lui des enfants.
Etonnant clin d’œil du destin. Etrange coïncidence avec le destin de l’homme sur lequel j'ai consacré ma prochaine biographie…Seule compte l’œuvre…
Grace à ce livre, j’ai eu envie de connaître le travail de Brancusi, d’en savoir un peu plus sur cette sordide d’histoire où la cupidité souhaite faire la loi …
Pour ma part, je garde en mémoire, le pâle sourire de Tania, ses désirs et me pose encore quelques questions sur ce que fut sa drôle de vie…


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